Urbanisme : un impératif pour des villes durables

Publié le par L'Association-ONG

Entretien avec Joan Clos d’ONU-Habitat

 

Joan Clos, executive director of UN-Habitat, visiting the Kibera slum in Nairobi, KenyaLes villes d’Afrique se développent à toute vitesse. En 2009 quelque 395 millions d’Africains, soit environ 40 % de la population du continent, résidaient en milieu urbain. On prévoit que ce nombre triplera pour dépasser 1,2 milliard, soit 60 % de tous les Africains, d’ici à 2050. Pour le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), cette croissance pose un double défi : aider les Africains à mieux maîtriser le potentiel productif de leurs cités, mais aussi répondre aux demandes accrues de services municipaux et de logements décents, de manière à éviter qu’un nombre croissant de personnes ne s’entassent dans des bidonvilles miséreux. Joan Clos, ancien maire de Barcelone (Espagne) et directeur exécutif d’ONU-Habitat depuis 2010, estime que pour relever ces défis il faudra avant tout procéder à une planification urbaine plus systématique. Le chef d’édition d’Afrique Renouveau, Ernest Harsch, l’a rencontré au siège d’ONU-Habitat à Nairobi (Kenya).

 

Quel effet cette urbanisation exceptionnellement rapide de l’Afrique a-t-elle eu sur les approches générales du développement urbain ?

Nous assistons à une urbanisation sans précédent du continent. On a déjà observé de pareils phénomènes sur d’autres continents, mais pas au rythme que connaît l’Afrique. La réponse passe par l’amélioration de l’urbanisme, par la planification du développement urbain. Au départ, c’est toujours très dur, les premières vagues migratoires vers la ville n’étant pas planifiées. Mais la mise en oeuvre dans les meilleurs délais d’une politique d’urbanisme massif dans les pays d’Afrique s’impose.

Dans certains pays d’Afrique qui s’essayent à l’urbanisme, le processus semble souvent lent et bureaucratique, et le temps d’être mis en marche, les conditions évoluent, la croissance urbaine dépasse les projections. Est-ce que les programmes d’urbanisme peuvent véritablement suivre ?

La première étape consiste à limiter l’espace public par rapport à l’espace privé. C’est une tâche qui incombe au gouvernement en l’absence d’autre entité. Le problème se pose lorsque le manque de coordination entre les pouvoirs publics et la pénurie d’instruments d’urbanisme provoquent des retards importants dans la planification urbaine par rapport au rythme de la croissance urbaine. La seule solution est d’accélérer l’urbanisme, faute de pouvoir arrêter l’immigration urbaine. Si ce processus est trop complexe car il implique plusieurs ministères, il faudra le simplifier. Et s’il est trop tributaire du gouvernement central, il faudra le déléguer aux autorités locales

Chaque problème doit trouver sa solution. L’urbanisme est le seul moyen de parvenir à une croissance urbaine harmonieuse. Une ville construite de manière chaotique sera bien plus difficile à reconstruire, à réaménager après coup. C’est très onéreux et source de conflits sociaux. Si l’on considère des économies comme celles de l’Afrique, qui progressent de 6 à 7 %, l’absence d’urbanisme ne se justifie pas. Il n’est pas pensable d’avoir de tels taux de croissance et de ne pas créer des instruments d’urbanisme.

Dans certaines villes d’Afrique, surtout les plus grandes, on s’est efforcé de revitaliser les centres villes, d’attirer des investisseurs et hommes d’affaires étrangers. Parfois, lorsque ceci s’est fait du sommet vers la base, il y a eu des résistances de la part des communautés locales. Comment éviter ce type de situation ?

l s’agit d’un problème de maturité du système politique. Dans un système instable, la planification s’effectue parfois par des moyens autoritaires, sans tenir compte des droits des populations. Les approches qui ignorent le sort des populations touchées n’ont pas de raison d’être. Il y a suffisamment de place pour que tout le monde y gagne. L’urbanisme peut contribuer à créer la richesse. Et dans ce cas, il est toujours possible de la répartir. En revanche, si on essaie de développer une ville en gardant pour soi tous les acquis, c’est la voie ouverte aux conflits.

Des exemples [d’urbanisme de qualité] abondent en Afrique, surtout à échelle réduite. Ils ont beau ne pas être parfaits, ils vont dans le bon sens, au Maroc, à Maurice, au Rwanda. Ce qui manque toujours, par contre, est l’approche dynamique, la formulation de politiques nationales d’urbanisme pour relever les défis que pose l’avenir des villes d’Afrique. L’urbanisme n’est pas à remettre à demain. Il devrait s’appliquer maintenant, dès aujourd’hui; LA SUITE)))

Publié dans Solidarité

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